Article Durabilité et Risques du 26 02.2021

Durabilité et gestion des risques, les efforts doivent se poursuivre

La dernière étude de l’Observatoire des risques opérationnels s’intéresse à la thématique du développement durable dans la gestion des risques d’entreprise. L’étude montre que les
dimensions sociales, environnementales et de bonne gouvernance sont connues, mais en lente progression.

Parution dans le journal de la Fédération des Entreprises Romandes

Lauren Hostettler

L’Observatoire des risques opé­rationnels (OpRisko) est une as­sociation sans but lucratif basée à Genève qui réunit des profes­sionnels actifs dans la confor­mité et la gestion des risques au sein d’entreprises romandes. La dernière étude d’OpRisko, publiée en 2020, s’intéresse à la manière d’intégrer des principes de développement durable dans la gestion des risques d’en­treprise. Les auteurs émettent l’hypothèse qu’une stratégie qui intègre des dimensions sociales, environnementales et de bonne gouvernance contribue à la maî­trise des risques d’entreprise. Pour cela, vingt-trois PME gene­voises actives dans des secteurs économiques différents ont été interrogées. Celles-ci semblent intéressées par les enjeux de la durabilité, même si les défini­tions peuvent varier. Les entre­prises sont conscientes qu’une attention limitée aux questions de durabilité peut avoir des conséquences négatives, no­tamment sur leur image, sur la difficulté à engager et à conser­ver son personnel ou à trouver des partenaires commerciaux et des investisseurs, ainsi que sur une diminution du chiffre d’affaires.

ASPECTS ENVIRONNEMENTAUX AU CENTRE

«Les sondés de notre étude ont conscience que la nature est vulnérable et les ressources de la planète limitées. Pour preuve, les inquiétudes et les mesures sont principalement centrées sur les aspects envi­ronnementaux, parfois socié­taux, rarement de gouvernance (ESG). La «durabilité» reste un concept intuitif et rassembleur, mais difficile à cerner, et à for­tiori rarement normé. Rarement des chartes sont rédigées, et les sondés évoquent plutôt des principes, des critères (code de conduite), voire un esprit ou un système de valeurs», observent Pascal Seeger, membre d’OpRis­ko et intervieweur bénévole, et Cyrille Renard, président. L’étude met également en garde à propos de la forte remise en question que peuvent provo­quer les révisions des processus internes. Elle rappelle qu’une approche opportuniste et super­ficielle ou l’exécution de me­sures très limitées peuvent vite mener au greenwashing et nuire à la réputation de l’entreprise.

«Les principales mesures sont d’ordre commercial à l’adresse des clients, centrées sur l’offre des produits et services, comme la notation de la durabilité des clients et des fournisseurs, par exemple; à l’interne de l’entre­prise, elles concernent le tri des déchets, les économies d’énergie, ou l’incitation à la mobilité douce, par exemple. En revanche, agir à plus large spectre et de manière plus pro­fonde, comme analyser le cycle de vie de ses produits ou de ses services, reste un défi pour le management de l’entreprise», ajoutent Pascal Seeger et Cyrille Renard.

 DEUX OBSTACLES MAJEURS

Si les résultats de l’enquête semblent valider le postulat des auteurs de l’étude, qui veut qu’une stratégie intégrant les dimensions sociales, environ­nementales et de bonne gou­vernance contribue à la maîtrise des risques d’entreprise, la mise en place est encore compli­quée. A la vue des réponses col­lectées, le constat montre certes que l’enjeu de la durabilité est identifié, mais que les mesures à prendre et les moyens enga­gés pour atteindre les objectifs paraissent dérisoires.

Deux obstacles sont identifiés. Le premier est le manque de définition claire de la durabilité admise en interne au sein des entreprises sondées. Le second obstacle se manifeste lorsque les entreprises n’ont pas d’ap­proche structurée de la gestion des risques. Cela en touche un grand nombre. Or, la gestion des risques nécessite une approche structurée. Pour Cyrille Renard et Pascal Seeger, «les auteurs de l’étude pensent que mettre en avant les avantages d’une approche durable économique­ment viable et illustrer les résul­tats positifs des entreprises qui appliquent ces principes peut ainsi faire changer les mentali­tés.»

VISER LA PÉRENNITÉ

Tout d’abord, il faut formaliser, même schématiquement, la gestion des risques. Ensuite, il faut définir la notion de dura­bilité et les enjeux qui en dé­coulent pour l’entreprise et ses parties prenantes. Enfin, il faut intégrer la durabilité à la gestion des risques, ce qui est propre à chaque structure. Cette étude a permis de mieux faire connaître les mesures en place même si le chemin est long et sinueux pour que les organisations pro­gressent réellement dans le domaine de la durabilité. «Au début d’un changement straté­gique important, nous sommes d’avis qu’il est utile de se faire aider par un expert. Dans les entreprises sondées, l’initiative était prise par le sommet de la hiérarchie, à savoir: demande des propriétaires d’entreprises de pousser vers des valeurs de durabilité, suivi par les direc­teurs qui s’approprient ces objectifs pour les appliquer dans la chaîne de valeur des processus de production», pré­cisent Pascal Seeger et Cyrille Renard. «Au terme de cette étude, nous sommes convain­cus de l’importance d’un dé­veloppement économique et social «durable», et que l’éclai­rage qu’apporte notre étude devra être poursuivi et appro­fondi dans cette direction. Non seulement la prise en compte des critères ESG sera à l’avenir incontournable dans toute acti­vité humaine, mais le domaine de la gestion des risques d’en­treprise devra inévitablement intégrer des critères adaptés, afin d’anticiper et répondre ju­dicieusement aux éventuelles conséquences néfastes pour les économies. C’est pour­quoi notre travail mérite d’être mené sur un échantillon plus large d’entreprises ,publiques comme privées, avec un panel encore plus diversifié de sec­teurs économiques.»

Cette étude pourra faire l’ob­jet d’une actualisation post Covid-19. «En effet, cette crise économique sans précédent, faisant suite aux conséquences des mesures adoptées contre une longue crise sanitaire, ap­portera inévitablement son lot de coupes budgétaires, aussi bien au sein des Etats que dans les entreprises. C’est le moment idéal pour revoir en profondeur ses processus et ses objectifs à long terme pour viser la péren­nité», estiment Pascal Seeger et Cyrille Renard.